![Claude Barbier Claude Barbier, Président de l'ATGE](https://truffe-grand-est.com/wp-content/uploads/2021/04/Claude-Barbier.jpg)
Pour Claude Barbier, une truffière peut représenter un bel endroit de partage et conduire vers un fabuleux voyage gastronomique
Une riche expérience dans le développement forestier
Originaire de Joinville en Haute-Marne, l’ingénieur des eaux et forêts Claude Barbier a travaillé longtemps comme expatrié. Au Cameroun, pendant 20 ans, pour le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) sur des plantations tropicales (hévéa, café, cacao, coton, fruits…). De même, en Guyane, son expertise s’est mise au service du CIRAD et du Centre Technique Forestier Tropical. Enfin en Colombie, Claude Barbier a mené une mission de 3 ans pour l’ONF international, impliquant du développement forestier sur le bassin versant du Rio Magdalena, afin de limiter son ensablement.
Son itinéraire professionnel l’a également vu œuvrer à Besançon pour le compte du Centre Régional de la Propriété Forestière. Il termina sa carrière à Châlons-en-Champagne, après 12 années au poste de directeur du CRPF Champagne-Ardenne.
La présidence de l’Association des Trufficulteurs du Grand Est
Après avoir donné un nouvel élan à la filière truffe en Grand Est et avant de mettre un terme à son mandat de président, Claude Barbier préconise de changer de braquet en matière de développement trufficole (propos recueillis par Pascal Dolat)
Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est l’Association des Trufficulteurs du Grand Est (ATGE), dont vous allez quitter la présidence, après trois années d’engagement ?
L’idée de rendre audible la voix de la truffe de Bourgogne, au sein de la Fédération Française des Trufficulteurs, s’est articulée bien avant la création de l’ATGE. Dès les années 90, l’investissement de François Beaucamp, pépiniériste et viticulteur de la région d’Auxerre, et de Gérard Chevalier, chercheur à l’Inra, dans l’Interrégionale des Trufficulteurs du Centre et de l’Est (ITCE), a eu pour effet de multiplier les surfaces de truffières plantées dans les régions Bourgogne, Franche-Comté, Champagne-Ardenne, Lorraine et Auvergne.
La constitution des nouvelles grandes régions, en 2016, a changé la forme (il existe désormais l’association régionale des trufficulteurs en Bourgogne Franche-Comté et l’association des Trufficulteurs du Grand Est (1), mais le fond est le même, celui de redonner à ce produit du terroir l’image de marque qu’il possédait autrefois, dès le Moyen-Âge et jusqu’à son apogée dans les années 1900. Il était nécessaire également de constituer, pour les nouveaux Conseils régionaux, un interlocuteur unique et représentatif.
Quel bilan tirez-vous de ce premier opus ?
C’est dans ce contexte de restructuration, qu’en septembre 2018, le Grand Est et l’ATGE se sont engagés dans un contrat de filière, porteur d’un grand projet, sur la période 2018-2020. Cette boîte à outils, dotée d’une enveloppe de plus de 200 000 €, a permis la création d’environ 15 nouveaux hectares de truffières subventionnés, malgré un calendrier raccourci et perturbé par la crise sanitaire. Les formations développées avec le CFPPA de Crogny ont connu un réel succès. Et les marchés aux truffes, qui se sont multipliés sur le territoire, ont attiré l’attention du grand public. Par ailleurs, en matière de recherche et développement, trois parcelles d’expérimentations se sont activées à Sézanne (Marne), Verdun (Meuse) et Wasselonne (Bas-Rhin). Il s’agit là de tester de nouvelles techniques en lien avec les évolutions climatiques. Cela porte sur la préparation des sols (désherbage, griffage…), les économies d’eau (paillage…) et l’introduction d’arbres de climat méditerranéen (chêne vert, chêne pubescent, noisetier de Byzance, charme-houblon, cèdre…). Trois sortes de truffes sont concernées (Bourgogne, Mésentérique et Tuber melanosporum).
Où situez-vous les marges de progrès ?
La bonne nouvelle est que cette dynamique sera soutenue par un nouveau contrat de filière sur la période 2021-2023. Ses objectifs s’inscrivent dans la continuité du premier élan, avec une enveloppe identique de l’ordre de 216 000 € sur trois ans et des aides à l’hectare majorées (5000 €/ha). Les nouveaux projets de plantations qui se dessinent en diversification agricole et viticole, notamment dans l’Aube, révèlent une professionnalisation de la filière. On peut aussi imaginer que des projets collectifs voient le jour, parce qu’une truffière peut représenter un bel endroit de partage et conduire vers un fabuleux voyage gastronomique.
Aujourd’hui, nos territoires ont besoin de développer une trufficulture dynamique et agronomique. C’est bon pour l’environnement, pour l’économie de nos milieux ruraux et l’attractivité de nos régions. Mais cela exige de changer les mentalités en terme de culture et de commercialisation. Ici, avec des plants certifiés, un travail du sol adapté, un travail de taille choisie, du paillage, des apports d’eau raisonnés, etc… le potentiel agronomique d’une truffière peut dépasser les 50 kg/ha. Dans des déserts de cailloux, en Tuber melanosporum, l’Espagne réussite le challenge d’être à plus de 100 kg/ha ; la vallée de la Durance est sur la même trajectoire. Pourquoi pas le Grand Est ?
Parallèlement, un travail reste à mener en matière de structuration de la filière, qui implique notamment de sensibiliser et d’intégrer les propriétaires fonciers (privés ou institutionnels) afin qu’ils accordent des concessions de cavage. En Haute-Marne, en 2009, les estimations mesurées par des techniciens forestiers ont montré le potentiel considérable de production de la truffe issue des milieux naturels (4 à 12 tonnes/an pour la seule Haute-Marne). C’est pourquoi il faut stopper le pillage des truffières naturelles et faire en sorte que des produits transparents arrivent sur nos marchés, auprès des restaurateurs, des structures touristiques et du consommateur en général.
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